Un moment de vérité – Véronique Margron

 

« Je me suis décidée à écrire non pour enfoncer le glaive plus avant dans l’Église, mais pour proposer des voies afin de sortir de ce désastre. ».

Véronique Margron est une voix catholique qui compte et une responsable reconnue de l’institution ecclésiale. Cette appartenance la rend peut-être plus radicale encore dans sa critique d’un système qui a permis tant d’abus sexuels dans l’Église, et qui en a organisé l’impunité. Véronique Margron a été amenée depuis des décennies à recevoir et écouter des victimes d’abus de toutes sortes, et cette expérience donne à son propos une densité humaine unique. De plus, s’engageant en théologienne, elle pousse la réflexion au-delà de la simple critique d’un dysfonctionnement, fût-il gravissime : il s’agit de déceler dans ce qui structure l’Église les racines du mal – et dans ses fondements spirituels les issues possibles d’un relèvement.

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Jeudi saint : fête des prêtres mais quels prêtres ? Texte de Jean Rouet, vicaire général de Bordeaux

Je m’interroge après 47 ans de ministère :

Que donnons-nous à voir ? Dans nos assemblées, il y a ceux qui sont en bas et ceux qui sont en haut, il y a ceux qui sont dans le chœur et ceux qui n’y ont pas droit, il y a ceux qui ont droit seulement au pain eucharistique et ceux qui ont droit au pain et au vin, il y a ceux qui peuvent servir à l’autel et ceux qui ne peuvent servir que l’assemblée, il y a les fidèles et les clercs comme si les clercs étaient dispensés d’être fidèles. Les marques de séparation sont extrêmement visibles, comme s’il ne fallait pas se mélanger les uns aux autres, comme si il en avait qui étaient supérieurs aux autres. Le jeudi saint le président de la célébration lave les pieds de douze fidèles mais le reste de l’année il est en position dominante. Il préside à toutes les décisions comme s’il était le seul à pouvoir décider. Jésus indique la direction, accueilli la parole du Père pour s’en faire l’écho, donne sens à ses actes.
Peut-on imaginer une manière de célébrer qui parle davantage de notre égale dignité baptismale avec l’homme à la main desséchée et l’enfant au centre de tous les regards ?

Que donnons-nous à entendre ? Nous sommes friands de titres en tous genres : les saintetés, béatitudes, éminences, excellences, messeigneurs, abbés, révérends pères, archiprêtres, doyens, chanoines, chapelains et j’en passe et des meilleures …”Il nous faut imiter notre Seigneur Jésus Christ en reprenant notre vraie place. Pas celle des honneurs et des ronds de jambe, des « Monseigneur », des « cher Père », des « M. l’abbé », des postures et des plateaux de télé. Il nous faut retrouver la place de l’humble serviteur comme le Christ né pauvre dans une étable. Imiter le Seigneur qui est « venu pour servir et non pour être servi » (Mt 20,28). “ déclarait l’archevêque de Paris en mars 2019.

Je rêve que, tous, nous ayons le même titre de “frère” ou de “soeur” : frère cardinal, frère évêque, frère curé, frère prêtre ….

Mais alors comment ne pas être dans la confusion ? Comment indiquer à l’Église son architecture ? Sa colonne vertébrale c’est le Christ, c’est lui qui nous tient ensemble et lui seul, “hors de lui nous ne pouvons rien faire.”
Je rêve que nous sachions démultiplier les ministères et les charges sans faire de différences entre les hommes et les femmes mais en tenant compte des dons de chacun. Le ministère sacerdotal concentre tout, il faut le dégager de ce carcan totalitaire. Pourquoi faut-il qu’il soit institué obligatoirement lecteur ou acolyte avant l’ordination au presbytérat. Faut-il qu’il soit tout ? Pourquoi des femmes ne prêcheraient-elles pas si elles en ont le don et les connaissances acquises pour cette charge ? Pourquoi seulement les hommes auraient-ils la capacité de servir l’unité et la communion dans la vie des communautés ? Ce n’est pas en ordonnant des femmes prêtres que l’on changera le modèle c’est en repensant la diversité des ministères à partir de ce que les Églises vivent déjà que nous trouverons de nouveaux chemins. La finalité n’est pas que l’Eglise soit bien organisée mais que l’Église soit davantage équipée pour servir la mission. La primitive Église était plus inventive : “Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps. Parmi ceux que Dieu a placés ainsi dans l’Église, il y a premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement ceux qui ont charge d’enseigner ; ensuite, il y a les miracles, puis les dons de guérison, d’assistance, de gouvernement, le don de parler diverses langues mystérieuses. Tout le monde évidemment n’est pas apôtre, tout le monde n’est pas prophète, ni chargé d’enseigner ; tout le monde n’a pas à faire des miracles, à guérir, à dire des paroles mystérieuses, ou à les interpréter. Recherchez donc avec ardeur les dons les plus grands.” (I Cor. 12, 27-31) À aucun moment dans ce passage il n’y a de distinction de sexe ou de provenance mais seulement la recherche des dons.
Reste dans cette symphonie des ministères à situer avec plus de clarté celui qui signifie la paternité de Dieu révélée par le Christ. S’il y a des frères et des sœurs c’est qu’il y a une source commune, “un Dieu père aux entrailles de mère” ! (Isaïe 49, 9-21) Telle est la vocation du frère prêtre dans le corps tout entier sacerdotal de l’Église. Il est un sacrement en sa personne même, dans l’Eglise sacrement. Il est ordonné à signifier le Christ, le Fils unique et “le premier d’une multitude de frères”. Mais le Christ n’est jamais seul, sa première tâche au début de sa vie publique c’est d’en appeler douze “pour être avec lui”. Jésus le bon pasteur s’adjoint des apôtres pour faire signe par le don total de soi de l’amour inconditionnel du Père. Le pasteur prend soin, nourrit et guide le troupeau. Le chapitre 10, de Saint Jean en souligne les principales qualités : ” Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire n’est pas le pasteur, les brebis ne sont pas à lui : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse. Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.” (Jean 10, 11-15) Plus que d’une perpétuelle présidence en tout domaine, le texte évangélique souligne la qualité de relations avec les membres du troupeau et le don total de soi. Présider est donc tout un art dans lequel s’exprime le rassemblement fraternel, le soin apporté les uns aux autres, l’attention de celui qui préside à la place de chacun, la qualité des prises de paroles, l’humilité du serviteur qui nourrit le peuple de frères et de sœurs de la parole et du pain. Pasteur ? oui, selon le cœur du Christ qui est doux et humble.
Donne-nous Seigneur des pasteurs selon ton cœur !

Jean ROUET

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Méditation sur le sens du mot « Pâque » par Jean Debruynne

Le mot : « Pâque », en hébreu, veut dire « passage ».

C’est la mémoire de cette nuit où le Peuple de Dieu décidé à sortir de l’esclavage d’Egypte, s’est trouvé coincé par la Mer Rouge. Le peuple s’est trouvé pris au piège entre la cavalerie des armées d’Egypte qui le poursuivait et la Mer Rouge qui lui barrait la route. C’est cette nuit-là que sur l’ordre de Dieu, la Mer Rouge, s’est écartée en deux devant le Peuple de Dieu lui ouvrant ainsi le passage. Ce qui était un obstacle est devenu un chemin. Ce qui bouchait la route est devenu la route elle-même. Passage pour franchir la Mer Rouge d’une rive à l’autre. Passage pour traverser la nuit jusqu’au jour. Passage pour franchir l’accès à la Liberté.

Si la Pâque est un passage, cela veut déjà dire qu’il existe toujours au moins un passage.

Nous avons si souvent l’impression que nous vivons dans des impasses. Que nous sommes coincés, emprisonnés, enfermés dans des problèmes sans issues. La Pâque est là, toujours en avant de nous pour nous ouvrir des passages, ouvrir des chemins là où nos yeux ne voient que des murs qui se dressent et qui barrent la route.

Par ailleurs s’il existe toujours un passage c’est que nous serons toujours des gens de passage. La Pâque a toujours été une affaire de nomades, une affaire de migrants et de pèlerins. Si la Pâque ouvre des passages c’est que nous sommes tous appelés à être des passants, à le devenir et à le rester toujours.

Dans la Pâque personne n’est jamais « arrivé », tout le monde est tous les jours en route. Nous serons toujours « les passagers » de la Pâque. On ne peut jamais s’installer dans la Pâque. On est toujours en route et en chemin. C’est pourquoi le Croyant vit en marchant, en campant, en route, en chemin. La Foi conduit à Pâque parce qu’elle se vit toujours dans le provisoire. Être Croyant c’est un appel, c’est une vocation à ouvrir des passages, à découvrir des nouveaux chemins, à tracer, à dégager, à baliser des nouveaux sentiers.

« La Pâque », le passage, cela veut donc dire aussi un chemin, un sentier ou une autoroute, mais toujours une issue. Si la Pâque est un chemin ouvert, un chemin grand ouvert, c’est Jésus lui-même dans l’évangile qui nous dit que c’est lui le chemin, le passage de la Pâque, ce n’est pas une chose, ce n’est pas une réponse toute faite, ce n’est pas une vérité dans les livres, c’est toujours Quelqu’un, c’est toujours une Personne, le passage c’est toujours Dieu lui-même. Dieu n’est jamais un monument, une basilique, une statue ou une cathédrale, Dieu c’est toujours un chemin, un passage, une ouverture. Dieu n’enferme jamais, il n’emprisonne jamais. Dieu n’est jamais un savoir mais toujours Quelqu’un. Dieu ne cherche pas à nous « avoir », à nous « posséder », à nous compter dans ses clients ou sans sa clientèle, Dieu ne cesse de nous appeler : « lève-toi et marche… » Dieu n’est pas un chemin obligatoire, Dieu n’est pas un sens obligatoire comme une loi, Dieu ouvre un passage et ce passage est celui de la liberté parce que cette Pâque est celle d’Amour.

…. La Pâque c’est la Parole de Dieu même qui appelle chaque personne à s’humaniser parce que c’est l’humain qui est la seule image et la ressemblance de Dieu.

La Pâque de Dieu c’est l’Homme.

Le Croyant c’est le jardinier de Dieu.

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Jeudi Saint : fête des prêtres mais quels prêtres ? Texte de Jean Rouet, vicaire général de Bordeaux

Je m’interroge après 47 ans de ministère :

Que donnons-nous à voir ? Dans nos assemblées, il y a ceux qui sont en bas et ceux qui sont en haut, il y a ceux qui sont dans le chœur et ceux qui n’y ont pas droit, il y a ceux qui ont droit seulement au pain eucharistique et ceux qui ont droit au pain et au vin, il y a ceux qui peuvent servir à l’autel et ceux qui ne peuvent servir que l’assemblée, il y a les fidèles et les clercs comme si les clercs étaient dispensés d’être fidèles. Les marques de séparation sont extrêmement visibles, comme s’il ne fallait pas se mélanger les uns aux autres, comme si il en avait qui étaient supérieurs aux autres. Le jeudi saint le président de la célébration lave les pieds de douze fidèles mais le reste de l’année il est en position dominante. Il préside à toutes les décisions comme s’il était le seul à pouvoir décider. Jésus indique la direction, accueilli la parole du Père pour s’en faire l’écho, donne sens à ses actes.
Peut-on imaginer une manière de célébrer qui parle davantage de notre égale dignité baptismale avec l’homme à la main desséchée et l’enfant au centre de tous les regards ?

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Pour l’abolition du cléricalisme – Texte issu de notre site national – CCBF

L’Église catholique présente la particularité d’être aussi un État de plein droit, le Vatican. En dehors de sa vocation proprement religieuse, elle est aussi une institution exerçant des pouvoirs régaliens. Ceux-ci ne se limitent pas à quelques hectares de l’Italie mais s’étendent au monde entier. À ce titre cette Église remplit le même rôle qu’une multinationale. Elle est donc susceptible des dérives propres à ce genre d’entreprise : centralisation, conservatisme, carriérisme. Dans son cas, c’est le cléricalisme, à maintes reprises dénoncé par le pape François, menant à des abus graves, qui débouchent sur des scandales.

On vient d’en avoir une illustration par la révélation des égarements du pouvoir ecclésiastique. Les pires sont le détournement de la direction spirituelle pour couvrir des viols de religieuses et l’épidémie de pédophilie. Des livres et des films relayés par les médias les ont portés à la connaissance d’un vaste public. Davantage que d’autres grandes entreprises, l’institution souffre d’un pouvoir exercé sans limite, parce qu’il est non seulement absolu, mais bien plus, sacralisé comme d’origine divine.
À côté des abuseurs criminels continuent à œuvrer des millions de religieux et de laïcs qui s’efforcent, jour après jour, de remplir leurs missions pastorales dans la dignité, le désintéressement et la modestie. Eux n’exercent pas le pouvoir, mais ils sont déconsidérés par la carence ou la duplicité de ceux qui le détiennent.

Les mesures suivantes procèdent toutes du même constat : l’exercice d’un pouvoir absolu et sacralisé, réservé à un petit groupe d’hommes, majoritairement des célibataires âgés, à l’exclusion des femmes. Elles portent uniquement sur l’organisation de l’Église, en tant qu’institution humaine soumise au sort commun de toutes les entreprises.

La Conférence des baptisés demande en conséquence :

  1. Que l’égalité parfaite soit réalisée entre hommes et femmes dans l’Église. Que les femmes accèdent aux ministères ordonnés, comme à toutes les fonctions de la société civile. Qu’elles participent pleinement aux décisions et qu’elles assument la responsabilité des services ou des ministères.
  2. Que l’obligation du célibat ecclésiastique soit abrogée, pour ouvrir la possibilité d’ordonner des hommes ou des femmes, qui sont marié(e)s ou non par l’exercice d’un choix personnel. Que les prêtres déjà ordonnés puissent se marier.
  3. Que le pouvoir dans l’Église, exercé actuellement par les ministres ordonnés, soit partagé avec des laïcs. La vocation religieuse est une expression parmi d’autres de la vocation baptismale, sans qu’il faille la sacraliser.
  4. Que les curés dans leurs paroisses et les évêques dans leurs diocèses se comportent comme des pasteurs, au service de la communion, en promouvant la prise de responsabilité des laïcs. Que ceux-ci prennent la parole et assument leur partie du pouvoir. Que tous les mandats soient attribués par une procédure démocratique, qu’ils soient limités dans le temps et soumis à évaluation.
  5. Que l’Évangile prenne la première place, sans plus se focaliser sur la morale familiale et sexuelle. La priorité est le Christ et le chemin qu’il nous ouvre. Pour que le christianisme perpétue une révolution spirituelle, il doit cesser d’être le cimetière de coutumes historiques.

La CCBF

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