Un soir de février 1980, nous étions plusieurs centaines réunis dans l’église Saint-Merry autour de Monseigneur Oscar Romero. Depuis des années, dans son pays, le Salvador, son engagement évangélique, sa dénonciation des crimes et des assassinats perpétrés quotidiennement par l’armée salvadorienne et les escadrons de la mort le faisaient passer pour un dangereux agitateur aux yeux du pouvoir en place et lui valaient des menaces de mort.
Il était venu en Europe, invité par le CCFD avec lequel nous avions organisé ce temps de rencontre, d’écoute et de prière. Il nous parla de son pays et du tournant de sa vie : nommé archevêque de San Salvador alors qu’il avait la réputation d’être plutôt classique et même conservateur, l’assassinat de son ami Rutilio Grande lui avait ouvert les yeux et l’avait amené à se situer clairement au côté des plus pauvres et des persécutés : « Le monde des pauvres, disait-il, nous apprend que la libération arrivera non seulement quand les pauvres seront les destinataires privilégiés des attentions des gouvernants et de l’Église, mais bien quand ils seront les acteurs et les protagonistes de leur propre lutte et de leur libération. »